
Ce n’est pas un mystère: la librairie l’Art d’Aimer fait partie de mes lieux préférés à Fribourg. J’ai déjà eu le plaisir de discuter avec Joy (sa fondatrice) en 2021. Si vous avez besoin d’un rafraichissement, l’article est là! Et on pourrait dire que, depuis, petite librairie est devenue grande. D’un projet solo, Joy est passée à un duo avec Marlène. La librairie a déménagé et compte désormais de nouveaux rayons et de nouveaux produits. Une belle occasion pour moi d’aller prendre le café et les croissants à la Rue des Epouses 5, et d’en savoir plus sur cette version 2.0 de ce lieu d’où il m’est impossible de ressortir les mains vides. Bonne lecture!
Manon Céleste : La première question est (je l’espère) vraiment toute simple : comment ça va ?
Joy : Ça va bien, vraiment bien. La fatigue est présente, mais ça va.
Marlène : Toustes les gens qui ouvrent un business sont fatigué-e-s à un moment donné (rires). Mais sinon, je suis contente et fière. Très fière d’avoir réussi à concrétiser ce projet, et on verra si ça fonctionne.
Vous avez bonne mine pour dire que vous êtes fatiguées ! Comment s’est passé l’inauguration ? A quoi a ressemblé cette journée pour vous ?
Joy : Toute l’organisation a été très intensive. Le transfert depuis l’ancienne adresse et l’installation ici ont pris environ deux mois. Les préparatifs pour l’inauguration étaient… intenses, c’est le mot ! Il y avait tant de choses à penser et à faire. Heureusement, on s’est bien organisées et on a reçu beaucoup d’aide de notre entourage. Le jour J, on est arrivées assez tôt pour tout installer, et une fois que les premières personnes sont arrivées, tout s’est enchaîné. On avait prévu pour environ 50 personnes et… tout a été mangé ! C’était une magnifique journée, avec du soleil et une énergie incroyable.
Avez-vous pu profiter un peu des gens qui sont venus vous voir ? Avez-vous pu recueillir quelques impressions ?
Joy : Oui! On alternait entre la caisse et l’accueil. C’était très important pour nous que tout le monde se sente bienvenu. À la fin, quelques ami-e-s sont resté-e-s pour un petit souper et nous ont aidées à ranger. C’était un moment doux avant de rentrer à la maison.
Joy, tu disais tout à l’heure que ça vous a pris deux mois de créer ce nouveau lieu?

Joy : Oui, j’ai fermé l’ancienne librairie début août. Tout le mois qui a suivi a été consacré à l’administratif : rendez-vous avec les assurances, le notaire, et aussi au changement de forme juridique. Ensuite, on a préparé les commandes, trié le stock et cherché des meubles de seconde main. On a récupéré des chutes de bois pour créer les présentoirs et la magnifique Stella (le comptoir, ndlr). Dès le 1ᵉʳ septembre, une fois les clés en main, on a repeint, puis le 7 septembre, on a installé les meubles. Les premières commandes de stock sont arrivées un peu plus tard que prévu, mais tout s’est finalement bien mis en place.
Marlène: Avant tout ça, la recherche du lieu s’est faite de façon plutôt fluide et chanceuse. Au début, on cherchait plus au centre ville, même des fois sur Pérolles. On avait d’ailleurs trouvé un autre local, qui était plus proche du centre. C’était en dessous d’une banque, cela ne correspond pas vraiment à l’esprit que l’on souhaite apporter ici. Le quartier où nous sommes a une fibre et une vibe plus proche de notre librairie.
Voyez-vous déjà de nouvelles têtes, au-delà des habitué-e-s de la première version de la librairie?

Joy : Oui, il y a beaucoup plus de passage ici, des gens qui viennent boire un café à côté et qui s’arrêtent par curiosité.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Marlène : En librairie à Romont, à La Rumeur. Je travaillais là-bas depuis deux ans, et Joy est arrivée pour remplacer une collègue. Ça a été le coup de foudre amical immédiat! On se voyait une fois par semaine et, petit à petit, on s’est découvert plein de points communs. Les mercredis sont vraiment devenus notre jour à nous. On faisait tout le travail à faire le matin et, dès midi, on discutait à bâtons rompus de nos idées.
Joy : En discutant, j’ai mentionné que je voulais ouvrir un café littéraire, mais que je ne voulais pas le faire seule. Marlène devait partir en Asie pendant trois mois, mais on s’est dit qu’à son retour, on ferait quelque chose ensemble.
Marlène : Au début, c’était plutôt pour plaisanter, mais finalement, à mon retour, on s’est lancées sérieusement.
Joy, comment c’est de passer d’un projet solo à un projet à deux ? Quels sont les changements que cela implique ?
Joy : D’un côté, c’est un soulagement, car j’avais beaucoup de charge mentale. Mais d’un autre côté, ça me stresse, car avant, si quelque chose n’allait pas, ça ne concernait que moi. Maintenant, je me sens plus motivée à bien faire les choses, car ça ne me concerne plus seulement moi. Il y a aussi des ajustements à faire dans la prise de décisions, pour trouver un bon équilibre entre ce que je fais seule et ce qu’il faut partager avec Marlène.
Et pour toi, Marlène, comment est-ce de te joindre à un projet existant ?
Marlène : J’avais à cœur que la librairie soit vraiment un projet commun, qui reflète nos univers et que je m’y retrouve aussi. On a donc élargi les rayons, notamment en littérature, et j’ai ajouté des choses qui me parlent plus. J’aime la littérature asiatique et les mangas, donc nous avons développé ce rayon. Tout ce qu’on propose ici nous ressemble et est choisi avec soin. La question de l’accessibilité de tous nos produits (y compris les bijoux, oracles, etc…) est également centrale. Nous ne commandons rien que nous n’achèterions pas nous-mêmes à de tels prix. Nous restons également très ouvertes aux envies et demandes de notre clientèle.
Vous avez donc vécu à la fois le salariat et l’entrepreneuriat. Avez-vous une préférence ?
Marlène : Il y a des avantages et des inconvénients dans les deux. En tant que salariée, on n’a pas à se soucier des finances, mais on a moins de liberté pour s’investir pleinement. En tant qu’entrepreneure, on est autonomes dans nos prises de risques, mais il faut tout gérer, y compris les finances, et on ne se verse pas de salaire pour l’instant. Cela peut prendre jusqu’à deux ans pour savoir si l’entreprise fonctionne. On est à la fois propriétaires et employées, ce qui change beaucoup de choses. Il y a plus de responsabilités, car on s’engage financièrement et on doit faire en sorte que ça fonctionne.
Joy : C’est sûr que maintenant, toutes nos décisions nous appartiennent, et cela nous permet d’incarner pleinement nos valeurs. Mais ça signifie aussi qu’on doit tout gérer, des commandes aux marges, ce qui peut être stressant. J’ai également fait l’expérience pendant trois ans de conjuguer indépendance et salariat. Au début de l’Art d’Aimer, j’ai continué à travailler chez Albert le Grand en parallèle. Par la suite, j’ai essayé d’autres jobs, même dans d’autres domaines, mais ça n’allait pas. Je n’arrivais pas à canaliser mon énergie pour être vraiment efficace sur tous les plans et cela me pesait beaucoup. Cela m’a épuisée et, bien que les responsabilités soient plus grandes désormais, je suis heureuse de pouvoir mettre tout mon cœur dans notre projet.
Quelles sont les nouveautés à la librairie ?

Joy : Par rapport à l’ancienne librairie, la plus grande nouveauté, c’est Marlène (rires)! La librairie s’est élargie et a ouvert ses horizons. Cela demeure un lieu d’accueil, de découverte et de partage, où nous souhaitons que tout le monde se sente bienvenu-x-e.
Marlène : On veut aussi organiser des événements régulièrement. L’objectif serait d’en faire un par mois, ce qui est le cas jusqu’à la fin de cette année. Le 18 octobre, nous avons eu la chance de recevoir Cécile Cée qui est venue présenter son livre « Ce que Cécile sait, journal de sortie d’inceste » et en discuter à la librairie. Il s’agit d’un sujet délicat, dont il est primordial de parler. L’événement était ouvert à tout le monde, dans la bienveillance et le respect. On se réjouit des prochains !
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Joy : Du succès.
Marlène : Que notre partenariat reste aussi harmonieux qu’il l’est aujourd’hui. Et la santé, bien sûr !
Que c’est beau de voir un projet déjà magnifique se déployer encore et se densifier! Merci à Joy et Marlène pour leur temps et leur accueil chaleureux. Ce bref billet ne saurait rendre pleinement justice à la douceur de la librairie et de ses gardiennes. Aussi, je vous recommande chaudement d’aller y faire un tour (ou plusieurs!). Fribourg a beaucoup de chance d’avoir en son sein un lieu singulier et engagé comme l’Art d’Aimer. Je me réjouis de vous croiser au détour d’un prochain événement ou confortablement installée dans le coin lecture. Tout le meilleur à Joy et Marlène!